Faire face aux changements : comment les laboratoires s’adaptent et restent productifs
Par Christina Phillis
Il a souvent été dit que la préparation est la clé du succès. Comme le changement est une réalité de la vie, nous devons tous être prêts pour ce jour fatidique où notre monde pourrait être bouleversé. Toutefois, le changement ne se produit pas toujours comme nous l’avons imaginé. Pensez à la pandémie de COVID-19, par exemple. Personne n’aurait pu se préparer complètement à une telle situation.
Comment s’adapter rapidement lorsqu’une situation ne se déroule pas comme prévu? Que faites-vous lorsqu’un imprévu survient? Nous avons invité certains membres du personnel des laboratoires et des installations à communiquer leurs expériences et leurs méthodes pour maintenir la productivité dans un contexte de changements radicaux et imprévus.
Évaluation des dangers et des risques
Chaque laboratoire présente des risques inhérents, depuis les obstacles physiques qui peuvent provoquer des trébuchements et des chutes jusqu’aux dangers chimiques, qui varient selon la classe chimique. L’évaluation de ces dangers devrait commencer dès l’ouverture d’un laboratoire selon Michael J. Russell, directeur, Environnement, santé et sécurité, à l’Université du Kansas. M. Russell et son équipe aident plus de 900 laboratoires à intégrer des procédures de sécurité dans leurs activités quotidiennes.
« Dès le premier jour, nous travaillons avec les laboratoires pour comprendre ce qu’ils essaient d’accomplir, afin de les aider à procéder à une évaluation des risques. À partir de là, nous travaillons avec eux pour développer des procédures d’exploitation afin d’intégrer la sécurité dans tout ce qu’ils font », explique M. Russell.
En cas de catastrophe, les dangers potentiels sont connus et peuvent être éliminés en fonction de la situation. M. Russell et son équipe ont réévalué les risques lorsque les laboratoires ont commencé à fermer en raison des restrictions imposées par la COVID-19. « Vous devez regarder ce qui est en cours. Comment les produits chimiques sont-ils stockés? Les activités biologiques et chimiques sont-elles correctement interrompues? Qu’en est-il de l’équipement? Certains appareils ne peuvent pas être simplement débranchés. Ils doivent passer en mode hibernation pour continuer à fonctionner pendant que les employés sont absents », explique-t-il.
Si votre laboratoire est situé dans une zone sujette aux catastrophes naturelles, il est important d’être vigilant quant à ces risques. Pour Logan Mlakar, gestionnaire de portefeuille chez Fisher Scientific et ancien directeur de laboratoire, un déménagement de Pittsburgh, en Pennsylvanie, pour travailler dans un laboratoire à Charleston, en Caroline du Sud, signifiait apprendre les risques potentiels qui accompagnent les tempêtes tropicales. Les bâtiments dans le Sud sont peut-être conçus pour résister aux vents d’ouragan, mais les inondations qui en découlent peuvent également causer de graves dommages. Il faut être attentif aux produits chimiques dangereux et à l’équipement qui pourraient nécessiter une attention particulière pendant les tempêtes.
Lors des évacuations, des problèmes de sécurité peuvent survenir dans les laboratoires inoccupés. Les livraisons prévues et imprévues doivent être reçues pour éviter les dommages ou la perte de matériel. Les articles personnels et le matériel laissés sans surveillance sont susceptibles d’être volés ou vandalisés.
Les failles de cybersécurité peuvent également constituer des menaces réelles, en particulier lorsque les laboratoires sont vulnérables. Selon le récent article de Ryan Gallagher paru dans Fortune, intitulé « Hackers “without conscience” demand ransom from dozens of hospitals and labs working on coronavirus » (Des pirates informatiques sans scrupules demandent des rançons à des dizaines d’hôpitaux et de laboratoires travaillant sur le coronavirus), les attaques de logiciels de rançon ont augmenté aux États-Unis et en Europe pendant la pandémie mondiale.
En plus de suivre tous les protocoles informatiques de votre établissement, recherchez les éventuelles faiblesses de votre système. « Si vous utilisez une sonde pour surveiller la température d’un congélateur ou d’un autre appareil, vous devez vous assurer que ce système est totalement intégré dans le réseau informatique de votre université », conseille M. Mlakar.
Communication efficace
Lorsque Leanne Sayles, spécialiste en recherche et directrice du laboratoire Sweet-Cordero de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF), et son équipe ont appris qu’elles devaient fermer leur laboratoire en un seul après-midi en raison de la pandémie, elles ont dû decider quelles parties de leurs recherches devaient être complètement arrêtées et quelles activités pouvaient se poursuivre dans une certaine mesure.
Selon Mme Sayles, la communication est essentielle dans une telle situation : « Il est vraiment important de maintenir la communication. La façon dont nous communiquions au quotidien dans le laboratoire a beaucoup changé. Nous devons aussi nous assurer de ne pas bombarder les autres avec trop de courriels. J’essaie vraiment de me limiter à l’essentiel lorsque je transmets de l’information à l’équipe. »
Elle recommande également de garder à l’esprit que la communication est bidirectionnelle. « Les gens doivent se sentir suffisamment à l’aise pour me dire quand ils sentent qu’il y a un problème. »
Dans une situation comme la pandémie de COVID-19, où les consignes de confinement empêchent les gens d’accéder au laboratoire, Mme Sayles a exprimé l’importance d’avoir un petit groupe de personnes qui peuvent visiter le laboratoire et être les yeux et les oreilles de l’espace physique pour rendre compte au reste de l’équipe.
Il peut être difficile de trouver le meilleur canal et la meilleure cadence pour communiquer avec les différentes équipes interfonctionnelles et les divers collègues. Heureusement, les différentes plateformes peuvent servir à des fins diverses. Samantha Savage Stevens, directrice de laboratoire au CEDAR du Knight Cancer Institute, à la Oregon Health & Science University (OHSU), School of Medicine, a expliqué que son équipe utilise une combinaison de Zoom, Slack et Confluence.
« Nous avons une page Web interne que nous utilisons pour publier des mises à jour. Nous utilisons Slack pour communiquer rapidement avec tout le groupe. De plus, nous avons une réunion hebdomadaire du laboratoire sur Zoom où nous mettons en évidence le travail des différents groupes de recherche », mentionne Mme Savage Stevens.
Flexibilité
L’adaptabilité est importante dans les meilleures périodes et peut être une bouée de sauvetage lorsque vous gérez une crise. Pensez de manière créative et envisagez des options que vous n’utiliseriez pas normalement.
Lorsque vous faites face à la fermeture de votre laboratoire, découvrez ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire. « Vous ne voulez pas perdre des mois de progrès », affirme Mme Sayles. Par exemple, elle a travaillé avec l’UCSF pour comprendre ses restrictions et a pu prélever des tumeurs et les congeler pour une étude ultérieure. Pour rattraper le temps perdu, son équipe envisage d’externaliser le génotypage des souris, la preparation des plasmides, la modification génétique et d’autres procédures de biologie moléculaire.
L’équipe de l’OHSU de Mme Savage Stevens aura besoin d’échantillons cliniques et de données. Elle travaille actuellement à la mise en place d’une filière permettant de partager ces ressources essentielles avec d’autres institutions. Elle aide également d’autres équipes au sein de l’organisation en commandant les fournitures nécessaires à la recherche sur la COVID-19.
« De manière générale, il est bon d’être aussi flexible que possible. Nous devons trouver un moyen de nous adapter à cette nouvelle normalité », affirme Mme Savage Stevens.
Le retour au travail avec des directives de distanciation sociale et des restrictions de capacité présente son propre lot de défis, de sorte que les membres du personnel doivent rester flexibles. L’équipe de Mme Savage Stevens utilisera Outlook pour planifier le travail en deux équipes. L’utilisation de toutes les salles de culture de tissus et d’équipement sera planifiée à l’aide d’une plateforme Web appelée Lab Agenda. Si une éclosion de COVID-19 se produit, l’équipe saura quells membres du personnel ont été potentiellement exposés.
« De manière générale, il est bon d’être aussi flexible que possible. Nous devons trouver un moyen de nous adapter à cette nouvelle normalité », affirme Mme Savage Stevens.
Mise à profit des temps d’arrêt
Si vous ne pouvez pas entrer dans un laboratoire ou si votre recherche est mise en suspens, utilisez ce temps supplémentaire pour réfléchir à des améliorations de processus. Trouvez des occasions de formation; des cours en ligne gratuits sont offerts par Coursera et edX. Traitez des données expérimentales. Publiez des articles ou soumettez des demandes de subvention. Concevez de nouvelles expériences.
Mme Sayles a profité de son temps libre pour suivre un cours de programmation informatique de base pour l’aider à effectuer l’analyse des données pour un prochain dépistage de drogues à l’UCSF.
Vous n’aurez peut-être pas besoin de vous aventurer au-delà de votre propre équipe pour transmettre vos connaissances et vos idées.
Mme Savage Stevens a expliqué qu’elle et son équipe se sont tournées vers les experts en la matière de l’OHSU pour offrir des occasions de formation à l’ensemble de l’équipe.
Elles ont également profité de ce temps pour explorer des sujets qu’elles n’auraient peut-être pas abordés autrement, par exemple en invitant un conférencier externe pour en savoir plus sur les disparités en matière de soins de santé. « Cette situation nous ouvre les yeux sur la façon dont nous pouvons collaborer avec les autres », affirme Samantha Savage Stevens.
Soutien de votre équipe
Les employés auront besoin de différents niveaux de soutien pour s’adapter au changement. « Ne supposez pas que tous disposent de la technologie requise ou que leur équipement est pleinement fonctionnel », recommande Jason Dong, analyste exécutif de projets à l’Institut de recherche cardiovasculaire, à l’UCSF. Il a dû remplacer son disque dur avant de pouvoir travailler efficacement à domicile et l’un de ses collègues n’avait pas d’ordinateur portable ou de service sans fil à la maison avant d’être obligé de rester chez lui.
Tenez compte du moral de votre équipe. Certaines personnes peuvent ne pas avoir de famille à proximité ou être nouvelles dans la région. Créez des occasions d’établir des liens virtuellement. « Nous avons un dîner sur Zoom tous les jours et un cinq à sept sur Zoom tous les vendredis pour savoir comment tout le monde va », raconte Leanne Sayles.
Mme Sayles recommande de faire comprendre à votre équipe que vous allez vous en sortir. Elle explique qu’il faut être flexible. Une mentalité d’équipe patiente et compréhensive peut vous aider à surmonter même les défis les plus difficiles – ensemble.