Collaboration entre laboratoires : faire équipe pour déjouer la maladie de Parkinson
par Kylie Wolfe
En mars 2018, la « Michael J. Fox Foundation for Parkinson’s Research » a annoncé son programme « PATH to PD », une initiative subventionnée de deux ans et de 6 millions de dollars conçue pour l’exploration du début et la progression de la maladie. Le financement a été divisé à parts égales entre trois laboratoires, un au « Pittsburgh Institute for Neurodegenerative Diseases », un à l’université Northwestern, et l’autre au « National Institute on Aging ».
Ces laboratoires ont été encouragés à communiquer et à collaborer régulièrement, partageant des idées et des connaissances en cours de route. Depuis un an et demi, ils ont examiné trois aspects qui contribuent le plus au développement de la maladie de Parkinson : la génétique, l’environnement, et l’âge. Les chercheurs croient que la maladie est déclenchée par une combinaison de ces facteurs, donc ce programme s’avère assez complet.
Comprendre la maladie
Actuellement, les seuls traitements disponibles aux patients atteints de la maladie de Parkinson ne font que masquer les symptômes au lieu de ralentir ou arrêter sa progression.
Les symptômes se développent lentement, et l’expérience de chaque personne est unique. Par contre, ce qui est vrai pour tous est la perte de neurones dans la substantia nigra, qui fait partie du mésencéphale. Les cellules de cette région relâchent la dopamine, un neurotransmetteur ou messager chimique qui aide au mouvement du corps. Avec une insuffisance de signalisation neuronale et de relâche de dopamine, les patients développent une variété de symptômes reliés au mouvement, incluant des tremblements, des motions lentes et rigides, et des troubles d’équilibre.
Les chercheurs participants à cette subvention veulent d’abord et avant tout mieux comprendre les causes de cette maladie, dans l’espoir que leur travail pourrait mener à l’élaboration de traitements plus efficaces.
Progrès à Pittsburgh
Sous la direction du Dr Timothy Greenamyre, des scientifiques au « Pittsburgh Institute for Neurodegenerative Diseases » font face à quatre projets principaux reliés aux facteurs environnementaux et génétiques. Le premier examine les toxines environnementales pour voir s’ils activent le LRRK2, un gène associé au Parkinson. L’établissement d’un mécanisme biologique pourrait découvrir une relation entre deux causes de la maladie.
Leur deuxième projet étudie la signalisation par calcium dans les neurones et le rôle de l’alpha-synucléine, une protéine qui s’accumule dans les cerveaux des personnes atteints du Parkinson.
Un troisième projet vise à déterminer si la dopamine est toxique lorsque donné aux patients en réponse aux inquiétudes que le Levodopa, un médicament commun utilisé pour augmenter les niveaux de dopamine, puisse accélérer la neurodégénération. Le but serait de trouver des thérapies neuroprotectrices qui ralentissent ou arrêtent la progression de la maladie.
Leur quatrième étude est conçue afin d’identifier des biomarqueurs qui peuvent aider à créer un test sanguin pour la détection de la maladie. Ces biomarqueurs seraient associés à l’activité du LRRK2 et aux globules blancs périphériques.
Des avancées à Chicago
Des chercheurs à l’université Northwestern, sous la direction du Dr D. James Surmeier, enquêtent sur le vieillissement cellulaire, sa relation au dommage mitochondrial, et sa relation générale à la maladie.
« Nous avons décidé de nous attaquer au vieillissement d’une façon qui n’a jamais été faite auparavant et c’était d’utiliser des outils génétiques afin d’introduire des changements reliés au vieillissement dans les neurones dopaminergiques, mais ensuite observer les conséquences de ces changements dans une jeune souris, » dit-il. Cette approche prévenait la corruption des systèmes circulatoires et respiratoires, comme ils le seraient dans un animal plus âgé.
Ils ont premièrement ciblé le dérèglement mitochondrial, chose qui peut être déclenchée par le stress oxydatif. Les chercheurs savaient que les personnes atteintes du Parkinson ainsi que les patients âgés et en santé subissent une perte de fonction du complexe I, un complexe de protéines dans les mitochondries, mais ils voulaient en apprendre plus.
Surmeier et son équipe ont choisi d’éliminer une sous-unité du complexe I, supprimant ainsi la capacité des mitochondries de générer de l’adénosine triphosphate (ATP), une source essentielle d’énergie, surtout pour les neurones.
À leur grande surprise, bien que l’ATP n’était pas générée, les cellules ne mourraient pas.
« La possibilité de restaurer la fonction (de neurones dopaminergiques) même avec la maladie au stade avancé est un domaine d’étude d’un intérêt potentiel. Nous n’aurons jamais suivi cette piste si nous n’avons pas eu l’opportunité de faire quelque chose d’original, très exploratoire, et à grand risque, » a dit Surmeier.
Pour le moment, il n’y a aucun traitement qui cible le complexe I, mais la compréhension de ce mécanisme pourrait ouvrir la porte aux thérapies potentielles.
Un début à Bethesda
Au « National Institute on Aging », le Dr Andrew Singleton et son équipe se penchent sur la cartographie des changements génétiques liés à la maladie.
La première série d’expériences a étudié 100 lignées d’iPS, ou cellules souches pluripotentes induites, provenant de participants avec et sans la maladie de Parkinson afin de produire des profils génétiques complets et une évaluation du risque génétique de chaque personne.
L’équipe cartographie les marqueurs moléculaires tels la transcription, la méthylation de l’ADN, et les niveaux de protéines pour faire le lien entre ces points d’intérêt et l’information génétique connue pour mieux comprendre le risque de maladie.
« Ça nous force à rassembler des informations génétiques complexes et des informations fonctionnelles complexes de façon significative, » a dit Singleton. À travers ce projet, ils veulent créer une ressource qui explique comment les facteurs génétiques influencent la progression de la maladie.
Il a souligné que ce n’est que le début des efforts de son équipe. « De toute façon, c’est une subvention pilote parce que nous savons que nous ne sommes pas à l’échelle de ce qu’on voudrait faire. Cependant, c’est un début extraordinaire, et vraiment seulement possible à cause de ce programme de financement innovateur. On espère élargir ce modèle à une plus grande série avec plus de mesures et plus de résultats. »
La collaboration est essentielle
« PATH to PD » est particulièrement unique, obligeant les laboratoires récipiendaires à communiquer à un niveau élevé pendant la durée du programme. Leurs recherches sont censées être interactives, exploratoires, et polyvalentes.
« Ce sont parmi les meilleurs laboratoires au monde en matière de PD et ils ont chacun des ressources et des technologies et des intérêts qui peuvent aider les uns et les autres. C’était très instructif, » a dit Greenamyre.
« Nous avons tous démontré que nous connaissons les méthodes scientifiques et sommes dévoués à l’effort. [La fondation] savait que nous pouvions faire bon usage de l’argent et apprendre quelque chose d’important, même si nos hypothèses se révélaient fausses, » a dit Surmeier, qui voit le programme de financement comme un incubateur de recherches innovatrices.
Les groupes interagissent régulièrement afin de partager les données et se tenir au courant de leur progrès. Des appels mensuels donnent aux chercheurs l’occasion de partager leurs résultats actuels, suggérer de nouvelles pistes de recherche, et former des hypothèses éclairées selon leurs résultats collectifs. Les discussions sont gérées par des candidats postdoctoraux de chaque équipe, permettant au dialogue de s’instaurer tout naturellement entre eux.
« Nous avons aussi fait une rencontre où toutes les personnes qui prenaient part au projet se sont rassemblées à Pittsburgh, » a dit Singleton. Ce janvier dernier, dans une ville célèbre pour être un lieu où trois rivières se rejoignent, des chercheurs des trois laboratoires, des représentants de la fondation, des évaluateurs indépendants, et d’autres experts de la maladie de Parkinson se sont réunis pour discuter des résultats et approfondir les relations.
Greenamyre a dit qu’il est passionné de cette approche et a aussi noté son impact. « La collaboration est vraiment la voie du futur. La voie du présent, en fait. Si vous voulez avoir une étude significative et percutante, vous devez y appliquer de multiples analyses qui ne peuvent être effectuées par un seul laboratoire. »
Bien que leur travail ensemble était prometteur, les chercheurs sont incertains à propos de ce qui se passera à la fin du programme. « Deux ans, c’est très peu de temps pour expliquer un problème et essayer de le régler, » a dit Greenamyre, en précisant qu’un renouvellement du financement du programme n’est pas actuellement à l’horizon.
Les laboratoires cherchent des moyens pour continuer certains projets. Quelques-uns d’entre eux pourraient entraîner des subventions plus traditionnelles de la NIH, tandis que d’autres pourraient favoriser des opportunités de financement de plus petite envergure de la part de la fondation. Peu importe, cette subvention a encouragé des discussions constructives et a permis à ces laboratoires reconnus de travailler ensemble d’une façon qui découvre les réponses à des questions difficiles.
Subventions et objectifs pour le futur
À travers de programmes de subvention bien financés et ciblés de façon précise, la fondation Michael J. Fox espère accélérer le pas vers de meilleures thérapies et un remède éventuel. En février 2019, la fondation à but non lucratif a annoncé 127 subventions à venir, totalisant 24 millions de dollars additionnels.
Alors que la fondation continue à alimenter la recherche sur la maladie de Parkinson, son programme « PATH to PD » terminera bientôt sa deuxième année. Grâce à l’encouragement et à la polyvalence de cette initiative de subvention, ces scientifiques brisent la stigmatisation de la discussion des recherches non publiées, les incitant à travailler vers un objectif commun essentiel — ensemble.